De l'espoir pour Félix-Antoine
Vivre avec le syndrome de Hunter (MPS II)
Tout a commencé doucement, sans que l’on s’y attende.
Félix-Antoine est né à l’Hôpital de Lasalle, le 24 juin 2013. Ce petit bébé en santé a été accueilli par ses parents, Jean-François Aublet et Édith Lacroix, bien heureux de devenir ensemble une petite famille. Félix-Antoine est un petit bébé intense (pleure beaucoup, et dort peu), mais saura quand même être le plus adorable des bébés pour ses parents. À part plusieurs rhumes lors de sa première année de garderie et une pneumonie, on ne peut pas dire que Félix-Antoine est souvent malade.
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À son examen de routine de deux ans (15 juin 2015), le médecin de famille de Félix-Antoine, Dr. Handanos, nous réfère à une pédiatre qui visite régulièrement la clinique de médecine familiale, soit le Dr. Morel de l’Hôpital pour enfants de Montréal. Elle désire vérifier son léger retard de langage et vérifier que tout est beau avec sa « grosse tête ». En fait, depuis sa naissance, il est dans les 98-99 percentiles au niveau du diamètre de sa tête. Mais on ne s’en fait pas puisque son papa a, lui aussi, une grosse tête…
Une mauvaise surprise
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Le 10 juillet, nous rencontrons le Dr. Morel. Pendant l’examen, elle remarque l’hernie ombilicale de Félix-Antoine, et en l’auscultant, elle nous demande si nous savons que Félix-Antoine a un gros foie et une grosse rate. Elle ne veut pas nous alarmer. Elle nous dit que ça peut être plusieurs choses, mais rien aussi. Un rendez-vous pour une échographie abdominale est donc pris pour en avoir le cœur net. En terminant, elle nous dit qu’elle remarque que son cou bouge difficilement d’un côté. Édith lui réponds en riant : « Ah bon. Je n’avais pas remarqué. Moi ce que je trouve, c’est qu’il n’a juste pas de cou ». Son visage changera un peu, mais sans plus. Quelques jours plus tard, Dr. Morel nous appelle pour aller passer rapidement des radiographies du cou et de la colonne vertébrale. Ce 17 juillet là, Félix-Antoine subira deux séances de radiographies de la colonne vertébrale et un test d’urine. Grâce (!!!) aux recherches de Jean-François sur Internet la veille (à partir de quelques signes chez Félix-Antoine qui pour nous, n’étaient pas des symptômes), nous sommes déjà alertés par la possibilité d’une maladie rare. Dr. Morel nous confirme que c’est ce qu’elle soupçonne. Nous sommes atterrés!
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Le 21 juillet, nous avons une première rencontre avec le généticien Dr. Mitchell de l’Hôpital pour enfants de Montréal. Félix-Antoine subit une prise de sang. À partir de certains signes et même, à partir de la signature de ses traits faciaux, Dr. Mitchell pose un verdict « tentatoire ». Félix-Antoine aurait une des maladies du spectre des Mucopolysaccharidoses (MPS), une famille de maladies lysosomales rares et dégénératives.
Le 4 août, on revoit le généticien qui a reçu les résultats des analyses de sang. Il pose le cruel diagnostic : Félix-Antoine est atteint de la maladie MPS II, ou le syndrome de Hunter. La maladie est créée parce que Félix-Antoine ne sécrète pas une enzyme, l’iduronate 2-sulfatase (IDS), laquelle permet la dégradation de certains sucres (polysaccharides). Donc, ces sucres (déchets) s’accumulent dans toutes ses cellules et lui font du tort. À la longue, et tout dépendant de la gravité de la maladie, des atteintes à ses organes, ses oreilles, ses yeux, ses articulations et à son cerveau vont dégrader son état de santé et ses capacités.
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Sous le choc
Inutile de dire que nous sommes à ce moment sous le choc et terriblement attristés par ce diagnostic. Il y a à peine quelques jours, Félix-Antoine était normal, un petit bonhomme d’amour en santé. Puis, tout a basculé. Son destin vient d’être redessiné sous nos yeux. La vie de notre petit trésor comme nous avions osé l’imaginer n’en sera rien. Notre tristesse dépasse le diagnostic. Elle coule pour notre petit loup qui va avoir à subir cette cochonnerie de maladie, pour sa vie qui sera hypothéquée, pour nos rêves brisés et pour tout l’inconnu terrifiant qui nous attend.
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À la fin du mois d’août, toujours sous le choc, on débute, grâce aux vaillants efforts du Dr. Mitchell, l’administration du médicament Elaprase, le seul médicament disponible à ce jour. Le traitement consiste en l’injection, par intraveineuse, de l’enzyme de remplacement. Ce médicament doit être administré à chaque semaine, et permettra de ralentir la progression de la maladie et l’apparition des symptômes. C’est un traitement à vie… mais malheureusement, pas un remède. Et surtout, ce médicament donné par intraveineuse ne se rend pas au cerveau, donc, ne peut rien faire contre les atteintes cognitives (si présentes, car nous ne le savons pas encore.
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Comme le premier traitement n’a vraiment pas bien été pour Félix-Antoine (l’aiguille est sortie de la veine, le médicament a infiltré son bras, il a fallu essayer de le repiquer mais en vain : il n’a reçu qu’un peu moins du tiers du médicament), il se fera opérer le 10 septembre, pour la pose d’un port (port-a-cath) dans la poitrine, pour faciliter l’administration du médicament. L’opération de Félix-Antoine se déroule bien. Le chirurgien nous dit que tout s’était bien passé et qu’un port un peu plus gros que prévu a été installé afin de faciliter les piqûres. Puis, on transfère dans l’hôpital de jour pour qu’il reçoive son traitement d’Elaprase. Comme l’aiguille était déjà installée, ça a été super facile de le « brancher » avec le médicament. Comparativement à la première tentative (sans port) d’il y a deux semaines, ça a vraiment bien été. Malgré que ce fut une très longue journée à l’hôpital (6h30 à 17h00), nous sommes contents et soulagés.
Un tourbillon
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Les semaines et mois d’automne et de début d’hiver suivants, nous les vivons perdus dans un tourbillon d’examens dans tous les départements de l’Hôpital pour enfants (audiologie, ophtalmologie, ergothérapie, orthophonie, oto-rhino-laryngologie, neurologie, cardiologie, pneumologie, orthopédie) afin d’en connaître davantage sur la progression de la maladie chez Félix-Antoine et d’établir sa condition initiale. D’ailleurs, le 24 septembre 2015, nous rencontrons la neurologue Dr. Bernard. Elle nous dit que les résultats de l’IRM, couplés à quelques observations sur le développement de Félix-Antoine pointent vers des signes d’atteinte neurologique. Nous sommes à nouveau dévastés. Car cela signifie un syndrome plus sévère, donc des régressions plus marquées, une espérance de vie réduite et un retard mental. Mais… ce ne sont que des indices pour l’instant. Il faudra du temps et d’autres examens pour en avoir la confirmation. Ou pas. Nous préférons espérer que Félix-Antoine trompera les pronostics.
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Moment présent
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Depuis la mi-décembre, nous soufflons un peu. Nous nous rendons à l’hôpital au moins une fois par semaine pour l’injection du médicament, nous y retournons en plus pour d’autres examens et suivis. Mais surtout, nous essayons de vivre encore plus qu’avant dans le fameux « moment présent », tout en ayant toujours la peur d’observer une régression dans le développement de Félix-Antoine.
Heureusement, nous sommes bien entourés. Nos familles et amis nous apportent tout le support et l’amour dont nous avons besoin. C’est ainsi que, pour Félix-Antoine, nous gardons espoir. Nous ne voulons pas rester impuissants face à cette injustice. Voilà pourquoi nous nous lançons dans des levées de fonds, car la thérapie génique (qui est à nos portes) pourrait le guérir!
Des levée de fonds
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En avril 2016 se tient notre premier spectacle-bénéfice à Cowansville. Organisé par les cousines et cousins Lacroix, c’est une soirée festive, touchante et mémorable qui permet d’amasser plus de 12 000$ pour la recherche! Puis, dans les années qui suivent, plusieurs « Courses pour un remède » sont organisées, de même qu’un souper-bénéfice au restaurant Crescendo de Verdun, un tournoi de golf à Cowansville, sans compter les nombreuses ventes de hot-dogs et activités d’emballage des commandes au Super C de Cowansville. Au fil des ans, chaque sous ramassé nous rapproche du remède. Mais surtout, chaque levée de fonds nous permet d’espérer, sans compter tous les cœurs touchés par la situation de Félix-Antoine et des autres enfants atteints d’une maladie MPS.
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Des études pour sauver Félix-Antoine
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En même temps que tout ça, alors que Félix-Antoine a un peu plus de trois ans, nous tentons de l’embarquer sur une étude clinique pour qu’il reçoive l’enzyme de remplacement par voie intrathécale (dans la moelle épinière). Après plus d’un an de démarches (les documents de l’étude devaient être traduits en français – je vous épargne les détails et surtout, notre grande frustration et sentiment d’injustice), Félix-Antoine passe les tests psychologiques requis pour vérifier son éligibilité. Comme il obtient un score de cinq points supérieurs à la norme établie, il n’est pas admis dans l’étude. À l’époque, on se fait dire que c’est une bonne nouvelle. Quelques mois plus tard cependant, on observe malheureusement une régression de son quotient intellectuel… Mais l’étude est fermée, donc, plus d’espoir de ce côté.
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En juin 2018, on tente d’embarquer Félix-Antoine sur l’étude clinique de thérapie génique de la compagnie RegenXBio, mais la limite d’âge à ce moment est de 5 ans. Et Félix-Antoine a 5 ans trois jours après l’ouverture de l’étude. Quel mauvais timing! Surtout, quelle déception! On commence à croire que Félix-Antoine ne pourra jamais bénéficier des médicaments à l’étude…
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Mais, on ne perd pas espoir. On continue à se tenir au courant des recherches, des anciennes comme des nouvelles, on continue à participer à des conférences sur la maladie, à s’informer. À sensibiliser, à questionner, à ramasser des fonds.
Puis…
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UNE GRANDE NOUVELLE!
En novembre 2022, alors âgé de 8 ans et demi, Félix-Antoine est admis dans l’étude clinique sur la thérapie génique contre le syndrome de Hunter par la compagnie de RegenXbio, volet 5-18 ans. En plus, l’étude se déroule dans notre ville, à Montréal, à l’Hôpital de Montréal pour Enfants. Quelle chance inouïe! Après un mois stressant rempli de nombreux examens médicaux et évaluations pour s’assurer qu’il est un bon candidat, il reçoit ENFIN la dose unique de thérapie génique. On est le 13 décembre 2022. Une date qui restera gravée à jamais en nous.
Maintenant, on attend de voir si son corps l’accepte et s’il se remet à fabriquer par lui-même l’enzyme manquante. Pour mettre toutes les chances de son côté, il prend des médicaments antirejet qui affaiblissent grandement son système immunitaire. Il est donc retiré de l’école de la mi-novembre à la mi-mars.
Déjà, on remarque que Félix-Antoine est plus éveillé. Également, quelques mots qu’il avait perdus de son vocabulaire (qui était devenu très faible) sont de retour. Après six ans à espérer, c’est déstabilisant toute cette nouvelle lumière! Mais elle est tellement bienvenue! Ce n’est peut-être pas le miracle qui enrayera complètement la maladie de notre fils (à 8 ans et demi, la maladie s’est bien installée dans son corps), mais on vient de gagner une meilleure qualité de vie pour lui et pour nous, et peut-être aussi quelques belles années de plus. On le verra avec le temps; le médicament qu’il a reçu est encore à l’étude (donc, aucune certitude).
Alors « MERCI » à tout le monde qui y a cru avec nous! Merci pour toutes les belles pensées, pour l’espoir, pour l’amour infusé. Merci pour tous les sous donnés et redonnés. Une partie des fonds amassés pour le Fonds de recherche MPS II de la Fondation Isaac (The Isaac Foundation) a contribué à la venue de la compagnie pharmaceutique à Montréal. On est tellement reconnaissants!
Mais on ne cesse pas le combat. Rien n’est tout à fait gagné contre cette terrible maladie.
Et il y a encore tant d’enfants qui attendent d’avoir accès à ce médicament.