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  • Photo du rédacteurÉdith Lacroix

Ce que l’on ne dit pas à propos du traumatisme médical



Je m’excuse Filou de te faire vivre ça : de t’imposer des visites répétées à l’hôpital. De te faire vivre les piqûres pour des prises de sang, des « attouchements » pour prendre ta pression, vérifier ton pouls, l’état de tes poumons, la grosseur de ton foie. De permettre qu’on te donne des coups de marteau pour vérifier la vivacité de tes réflexes. De te coller un sac collant autour du pénis pour recueillir ton urine (puisque tu ne sais plus uriner dans la toilette). De te contraindre pour t’insérer des gouttes dans les yeux. Tout ça et plus encore…


… Et plus encore depuis cette foutue pandémie de Covid-19, 20, 21 et désormais 22. Pardonne-moi de t’amener faire des tests préventifs pour te permettre de subir des anesthésies et des chirurgies (parce que ça, ce n’est pas assez en soit?). Pis encore, je suis désolée que ces tests soient aussi obligatoires pour te permettre d’entrer dans ce qui est ton oasis de paix : Le Phare. Mon oasis de répit. Quand je vois les infirmières te rentrer de force la tige blanche dans le nez. Quand l’on doit être quatre personnes pour te tenir et éviter que tu te débattes. Quand je vois tes yeux s’exorbiter et ton visage se déformer sous une furieuse douleur. Quand je vois ton regard enragé et apeuré se poser sur moi en un ultime signe de détresse, je détourne le mien. Car à ce moment, je sais que tu penses que je t’ai abandonné à cette terreur.

ET JE M’EN VEUX!


Je m’en veux tellement de te faire subir ça! Je m’en veux de me ranger derrière les infirmières, même si je suis d’accord avec le principe. Je m’en veux de me cacher derrière le « devoir » parce que dans le fond… je souffre avec toi. C’est insoutenable! Et parfois même, une larme ose s’échapper de mon œil. C’est que je partage ton traumatisme, je le ressens par procuration. Par extension. De la même manière que tu es une extension de moi, la douleur et la peur empruntent le même chemin.


Alors j’aimerais que tout le monde soit sensible au traumatisme médical. Avec une pensée particulière pour toi, l’enfant malade, qui subis tout ça. Toi, qui se méfies maintenant des jaquettes bleues et de tous les masques; tu veux m’arracher le mien et tu m’arraches quasiment l’œil avec à chaque fois. Toi qui réagis à la maison, quand vient le temps, à chaque semaine rappelons-le, de t’insérer une aiguille dans ton port-a-cath. Toi, qui te méfieras la prochaine fois lors de ton arrivée au Phare; tu ne seras sûrement pas heureux d’y revenir.


Un traumatisme? C’est un peu fort, non? Dans le fond, on se dit que c’est pour le bien (avec un grand B), pour le bien de l’enfant. Que ça va aller, que ça ne dure pas, qu’il oubliera. MAIS C’EST FAUX! On oublie justement la mémoire de l’enfant. Celle de ses émotions; celle du traumatisme. Et quand cet enfant doit revivre certaines choses à répétition, il devient encore plus important d’en être conscient.


De mon côté, je serai sûrement réticente à t’envoyer une prochaine fois à la maison de répit. Moi, je serai encore plus apeurée quand viendra le temps de te tenir pour un test de dépistage. Je serai encore plus anxieuse d’essayer de faire distraction lors d’une piqûre ou d’une autre procédure qui envahit ton petit corps. Honnêtement, j’en ai assez de mentir en te disant que ça va aller, de ne pas t’en faire… Je goutte à ma contradiction et j’ai le goût de vomir.


Car ce que l’on ne dit pas à propos du traumatisme médical, c’est qu’en plus de l’enfant qui le subit, le traumatisme existe pour le parent qui l’accompagne, aussi. On oublie souvent les coups encaissés par la maman, devant la douleur et la peur de son enfant. Un cœur aimant, aussi fort soit-il, ne peut que défaillir devant ces scènes souffrantes. Et il le fait, croyez-moi. Mais dans tout le silence que lui dicte son courage. Et son amour.


Édith

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